Les rebelles musèlent la presse à Rutshuru et à Masisi

Le travail du journaliste dans les zones occupées par les rebelles à l’Est de la République Démocratique du Congo est alarmant. C’est depuis 1 an maintenant que certains territoires sont assiégés par le M23, les professionnels des médias sont sur le qui-vive. Si certains journalistes sont contraints d’abandonner le métier, les autres vivent en clandestinité ou leurs médias ont été fermés, pillés ou délocalisés.

Depuis le déclenchement de la guerre entre le M23 et les FARDC dans les territoires de Rutshuru, Masisi et Nyiragongo, les journalistes dans ces espaces vivent des moments professionnellement compliqués. Certains sont obligés d’abandonner la profession et plusieurs autres ont fui la zone craignant pour leur sécurité. Les rebelles infligent leur rigueur, ce qui rend intenable la prestation normale des journalistes.

« Depuis l’entrée des combattants M23 dans mon entité, mon travail est impacté négativement. J’ai dû abandonner la radio car elle n’est plus rentable aujourd’hui. J’ai jugé bon de m’accrocher à la houe pour ma survie jusqu’à ce que la situation soit rétablie, et là, je pourrais reprendre normalement mon travail du journalisme », indique une journaliste.

La détérioration des conditions de travail impact directement les journalistes et les médias qui pourtant vivaient grâce à cette profession « Voilà que nous avons plusieurs mois que nous n’avons pas pu payer le loyer du bâtiment où est installée notre radio. A cause de cette situation nous avons accordé des congés techniques imprévus à certains de nos agents car nous ne sommes plus à mesure de prendre tout le monde en charge » témoigne un directeur d’une radio à Kiwanja.

Cependant, un responsable d’une radio à Rutshuru fauché par cette guerre décrie le contexte intenable dans lequel fonctionnent plusieurs radios de la zone sous contrôle des rebelles.

« Depuis que les rebelles du m23 sont arrivés dans nos zones de travail, il nous est difficile de faire notre travail du journalisme. Nos radios ont des problèmes financier et organisationnel. Nos radios communautaires fonctionnent sans financement extérieur et ne dépendent que du revenu des habitants dont actuellement leur économie est en régression. Nos radios vivaient des communiqués et des partenariats que nous signions de temps à temps avec les organisations non gouvernementale. A cause de l’insécurité, la plupart de ces organisations se sont déclarées incapables de travailler dans les zones non contrôlées par le gouvernement congolais et se sont décidées de résilier les contrats. Ceci affecte totalement le système de fonctionnement de nos radios, nous ne savons pas continuer ou stopper si cette situation perdure, nous serons obligés de fermer temporairement jusqu’à ce que les conditions de travail redeviennent normales au lieu de continuer à encaisser des dettes du loyer et l’usure des matériels sans rien gagner ».

Plusieurs organes de presse menacés d’extinction

 Dans certains espaces rebelles, plusieurs radios pillées ou fermées peinent à se lancer sur le rail malgré la voie de résilience adoptée par leurs responsables « dans ma zone à Masisi nous sommes confrontés à plusieurs défis car c’est un territoire écumé par les Groupes armés locaux en l’occurrence le M23 qui menacent la liberté d’expression des journalistes. Depuis la reprise des combats par le M23, 2 stations radio ont été vandalisées dont ma radio ; la Radio communautaire pour la voix de Bashali (RCPB). A l’entrée de cette rébellion tous nos matériels ont été pillés, les portes arrachées. Nous avons eu la vie sauve en entrant dans la base de la Monusco à Kitshanga. Sur trois radios existantes, une seule radio fonctionne, et encore difficilement. » regrette un responsable de la RCPB de Kinshanga.

 Au-delà des défis liés à la liberté de la presse ou l’abandon de la profession, d’autres défis affectent l’espace médiatique dans les zones occupées par les rebelles. Les journalistes sont victimes des menaces et intimidations, soumis à des informations propagandistes des rebelles ainsi qu’aux arrestations arbitraires.

Des restrictions qui tuent la profession !

Les conséquences directes des restrictions à la profession dans les zones sous contrôle des rebelles sont incalculables « les relais de certaines radios nationales dont Top Congo ainsi que le bulletin Sauti ya Wahami ont été suspendus dans la zone chapeautée par le M23, ce qui est une atteinte grave d’accès à l’information. Certaines émissions spécifiques sur la paix, la politique et la culturelle ont été interdites »note unmembre de journalisteen danger.

Les auditeurs sont privés de l’information. Certaines radios qui résistent au forcing des rebelles ne diffusent plus des journaux par crainte d’enfreindre leurs ordres et d’en payer le prix : « nous étions habitué de suivre des tranches d’information locales, les informations nationales et internationales grâce aux relais de nos radios communautaires. Aujourd’hui, plusieurs radios ont suspendu les journaux et les relais. Ici nous vivons en enfer, nous sommes dans la jungle », regrette un auditeur de la radio communautaire la vérité émettant depuis la cité de Kiwanja en territoire de Rutshuru.

Conscient du rôle que joue les médias dans tous les secteurs de la vie humaine, des nombreuses voix se lèvent pour que soit sauvée la presse dans les zones sous contrôle rebelle : « nous ne pouvons pas vivre dans des conditions de non information, une solution doit être impérativement trouvée. La solution durable passe par la libération de nos entités et la restauration de l’autorité de l’Etat pour que le journaliste travaille en toute sécurité, liberté et indépendance » indique un membre de la société civile en territoire de Rutshuru.

Pour rappel, une trentaine des journalistes de Rutshuru et Masisi restent toujours en déplacement dans la ville de Goma, d’autres sont retournés dans leurs milieux de provenance suite aux conditions de vie difficile dans les lieux en déplacement. Ces professionnels des médias produisaient les bulletins Sauti ya Wahami avant la fin de la troisième phase du projet d’accompagnement des journalistes de Rutshuru et Masisi. Un projet qui était exécuté par le consortium UNPC-CORACON-JED-REMED, avec l’appui technique et financier de LaBenevolencija Grands Lacs.

Justin BIZIMANA

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